LA REVOLUTION INDUSTRIELLE ET LE MONDE OUVRIER

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La révolution industrielle commence en Angleterre dans la seconde moitié du 18ème siècle. Sur un siècle, le mouvement gagne une zone qui englobe le nord et l’est de la France, la Belgique et la région de la Ruhr.  Les modes de production antérieurs sont peu à peu balayés. Le petit artisanat disséminé et le travail du filage le soir à domicile perdent progressivement leur place dans le monde de la machine, du rendement, des unités de production de plus en plus énormes.  Le phénomène est graduel : pendant un temps, nombres de travailleurs vont osciller entre les deux mondes, à l’usine à la morte saison, de retour aux champs l’été. Mais cette tendance semble irrésistible. En 1812, on compte chez Schneider, au Creusot, 230 ouvriers, en 1870, ils sont 12 500 !

Au fils du temps les usines engloutissent des masses humaines que les transformations de l’économie ont finies par jeter hors des campagnes et qui viennent, avec femmes et enfants, vendre aux patrons leur seul bien : leurs bras !

On n’a pas idée, aujourd’hui, de ce que fut, au moment du choc de cette révolution industrielle, la condition de ces gens. La vie des paysans du temps était rude : nourriture monotone, travail physiquement éprouvant, logement réduit au minimum. Dans nombres de petites fermes, nous disent les enquêtes conduites au 19ème siècle, l’espace dévolu à la famille se résumait à une pièce unique séparée de l’étable par un muret ne montant pas jusqu’au plafond, ce qui permettait de bénéficier de la chaleur des bêtes. A côté de la vie d’un ouvrier, cela semble presque luxueux.

A la campagne au moins, le rythme des saisons, l’organisation de la journée en fonction de la lumière du jour permettent des plages de repos. A l’usine, les journées durent de 12 à 15 heures, toujours les mêmes, sans congé, sans temps mort, dans la froideur de l’hiver ou la touffeur de l’été, dans le bruit des machines, la saleté de l’huile, la puanteur de la fumée, sous les ordres d’un contremaitre ou d’un patron qui exige des cadences de plus en plus lourdes, et n’hésite pas à truquer la cloche pour retarder la sortie. Les adultes, hommes et femmes, travaillent pour un salaire de misère, on aura compris que l’expression est à prendre dans son sens plein !

Les enfants aussi travaillent à partir de 6 ou 7 ans : leur petite taille est souvent un avantage. Dans les mines ils peuvent se faufiler dans les plus étroits boyaux, et à l’atelier ils peuvent se glisser sous les machines. Cela permet de les graisser ou de les réparer sans avoir à les arrêter…

Pour les hommes, la seule distraction après l’ouvrage est d’aller se retourner la tête avec du mauvais alcool au cabaret. Les femmes ont droit à des heures supplémentaires d’un autre type : souvent des rabatteurs installés à la sortie même des ateliers les invitent à la prostitution. Dans l’argot du temps, on dit qu’elles font leur « cinquième quart ». Ensuite, il ne reste plus qu’à s’effondrer d’abrutissement dans des soupentes puantes dont ne voudraient pas des bêtes.

Victor Hugo est resté marqué à jamais par la visite qu’il a effectuée en 1851, à l’époque où il était député de la seconde république, dans les caves de Lille, des trous à rat insalubres, sans lumière, sans feu, où des êtres de 30 ans flétris comme des vieillards se mouraient de fatigue et de maladie sur des galetas. Le poème qu’il a tiré de cette enquête, publié dans le recueil « Les châtiments », parle d’un « morne enfer » et cite Dante. L’allusion s’impose, en effet.

Extrait de « Nos ancêtres les gaulois et autres fadaises » de François REYNAERT


 «C’est de l’enfer des pauvres, qu’est fait le paradis des riches »… Victor HUGO

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