LES VENIMEUSES ILLUSIONS REFORMISTES

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Le Front de Gauche dit que le « capitalisme est dans l’impasse ». C’est presque vrai. Il oublie que, faute de luttes concrètes coordonnées et étendues des exploités, cette impasse n’est jamais que temporaire et il oublie qu’en propageant des idées comme le « revenu de base », ou en faisant miroiter qu’une loi seule suffira a mettre un terme au gavage des propriétaires d’immeubles (comme il y a quelques années, prétendant qu’un referendum – qui n’existait pas – sauverait les retraites), lui, cherche avant tout a tirer le capitalisme de cette impasse. Réforme ou révolution. Socialisme ou barbarie. C’étaient les deux seules alternatives que connaissait Rosa Luxemburg. A juste titre. Et c’est parce qu’elle les posait ainsi qu’elle fut assassinée. Il faudrait arrêter de faire perdre du temps a la prise de conscience prolétarienne. Ensuite, les faits seront ce qu’ils sont. Mais arrêter de propager des mauvaises analyses, des mauvaises solutions, serait déjà un grand pas en avant

J’aimerais que l’on milite pour l’abrogation de toutes les lois et dispositions scélérates qui criminalisent celles et ceux qui défendent leur emploi, leur toit, leur subsistance. Je ne veux pas que l’État devienne encore davantage mon « dealer », alors qu’il est déjà mon maquereau.

La plus venimeuse des illusions réformistes, notamment chez les « républicains », a fortiori en période de crise, est sans nul doute de prétendre que la Loi peut protéger le pauvre, le faible, l’exploité.

La seule chose que la Loi fasse parfaitement bien, c’est de réprimer. Et pourquoi ? Parce que l’État (cette cristallisation des multiples rapports sociaux qui fondent et alimentent le capitalisme) dispose du pouvoir de punir, parce qu’il dispose d’appareils puissants développant son pouvoir de contraindre, notamment, la police, l’armée.

Quand, par extraordinaire, la Loi offre un court répit aux exploités, c’est parce qu’il existe à la base, dans les masses, un rapport de forces à mettre en face des appareils d’État, à mettre en face de la police, de l’armée. La représentation parlementaire, alors, n’est pas la source de la Loi, c’est en réalité le pouvoir populaire en actes qui contraint cette représentation parlementaire à proposer des textes qui donneront une apparence de légalité aux revendications défendues becs et ongles à la base. Sans conscience politique du prolétariat de sa propre force, sans volonté politique de faire respecter cette source de pouvoir, la Loi est toujours du côté des puissants et de ceux qui oppriment et qui spolient.

C’est la raison pour laquelle il faut toujours se battre contre l’État, et plus exactement, contre l’idée de l’État ; se battre contre l’idée qu’il ne serait qu’un gant dans lequel il suffirait de placer une main différente pour qu’il change de nature. La question de la « sécurité », cette sécurité par laquelle on nous fait avaler chaque jour un peu plus d’idéologie répressive, un peu plus de droit de punir, et même, soyons fous, de nécessité de punir, est dans cette perspective une question absolument fondamentale. Un concept à déconstruire chaque jour, et une lutte à mener contre soi-même.

Détacher le plus possible le prolétariat de l’idée qu’il n’est rien sans État, montrer chaque jour comme ce Léviathan ne sera jamais notre allié, arracher systématiquement les voiles idéologiques dont on recouvre, à droite comme à gauche, toute espérance d’un autre monde, est une tâche urgente pour chaque révolutionnaire, pour chaque militant conscient de la démocratie prolétarienne. Vivre en société sans État (et sans la ribambelle d’illusions qui va avec), c’est la grande utopie à (re)construire, à réfléchir. L’envisager seulement est aujourd’hui impossible.

Si nous voulons pouvoir vivre, vivre comme des Hommes, la première des choses à faire est de lutter contre la propriété privée, et contre l’amour fétichiste que la société capitaliste instille de cette propriété privée au creux des consciences prolétariennes.

Que pèse la petite propriété pavillonnaire à crédit face à la solide propriété des bailleurs institutionnels, des multi propriétaires, qui vivent sans travailler des loyers qu’ils nous extorquent ? Que pèse la propriété à crédit de sa petite auto face à la propriété des moyens de production des exploitants des usines qui fabriquent ces autos ? Que pèse notre désir de paix et d’amour face à la volonté farouche du propriétaire, le propriétaire de l’usine qui possède notre temps, le propriétaire de la banque qui possède notre argent, le propriétaire des exploitations agricoles et des supermarchés qui contrôlent nos moyens de subsistance, le propriétaire des usines d’armement qui nous fait basculer dans la guerre, le propriétaire de la prison où nous pouvons toutes et tous finir un jour ?

Que pèse l’amour de la vie face à la propriété privée et au pouvoir de punir ?

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