OUVRIERS : un travail sous contrôle

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Près de la moitié des ouvriers non qualifiés n’ont pas la liberté de faire varier les délais fixés pour effectuer une tâche, contre trois cadres sur dix. Les premiers sont aussi deux fois plus nombreux que les seconds à ne pas pouvoir interrompre leur travail.

Près de la moitié des ouvriers (qualifiés ou non) n’ont pas la possibilité de faire varier les délais fixés pour accomplir une tâche, contre trois cadres sur dix, selon le ministère du Travail [1] en 2013. 38 % des ouvriers non qualifiés n’ont pas la possibilité d’interrompre une tâche à tout moment, à peu près dans les mêmes proportions que les employés (36,4 %) et les ouvriers qualifiés (31,8 %), contre 18,6 % des cadres supérieurs. La part de salariés concernés par des contraintes liées au travail à la chaîne est de 4 % en 2013 [2]. Pour l’essentiel, il s’agit d’ouvriers non qualifiés (le taux pour eux est de 13,7 %) qui voient leurs gestes au quotidien rythmés par une machine. Ces contraintes sont beaucoup moins répandues chez les professions intermédiaires et les employés (moins de 3 %) dont beaucoup travaillent dans le secteur tertiaire. Pouvoir organiser son temps de travail, gérer soi-même ses tâches ou ne pas dépendre d’une machine automatisée, composent quelques-uns des indicateurs qui déterminent l’autonomie des salariés au travail (voir encadré). L’absence de marges de manœuvre, la répétitivité et l’automatisation des actions a des conséquences sur la santé des salariés.

Il faudrait entrer davantage dans le détail pour bien comprendre le monde du travail. Ces données occultent des écarts bien plus importants à l’intérieur même des catégories socioprofessionnelles. Entre un employé de banque et un caissier de grand magasin, le niveau d’autonomie n’a rien à voir.

L’autonomie dans le travail reste un marqueur profond de la structuration de l’univers professionnel et donc de la société tout entière. Elle est pourtant largement occultée dans le débat public. Les heures de travail ne se valent pas selon les métiers. Une heure de travail à la chaîne, rythmée par une machine, n’a rien à voir avec une heure durant laquelle on va pouvoir passer par la machine à café ou jeter un coup d’œil à ses messages personnels sur Internet. Aux inégalités de rémunérations s’ajoutent des écarts dans la contrainte. Malgré les discours sur l’importance de « l’épanouissement au travail », la réalité reste bien celle d’un monde scindé entre les dirigeants et les exécutants, même s’il faut ajouter les intermédiaires entre ces deux catégories.

Ce décalage entre un monde du travail idéalisé et la réalité heurte ceux qui sont confrontés à ce manque d’autonomie, nourrissant un mal-être [3]. Le choc est d’autant plus fort que ce contrôle s’étend de plus en plus dans le secteur des services, par exemple au sein des centres d’appels téléphoniques ou des entreprises de nettoyage. Une partie des jeunes, de mieux en mieux diplômés, que le parcours scolaire destine à être du « bon côté » du pouvoir, se retrouve à subir les injonctions du métier, sans avoir droit au chapitre.

Vu sur L’Observatoire des inégalités

 

Notes :

 

[1] « Autonomie dans le travail », Synthèse.Stat’ n°16, ministère du Travail, octobre 2015.

 

[2] « Intensité du travail et usages des technologies de l’information et de la communication », ministère du Travail, Synthèse.Stat’ n°14, 30 juin 2015.

 

[3] Voir le site de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).