UN ABIME ENTRE LES CLASSES

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La prévision de Marx selon laquelle le développement du capitalisme mènerait inévitablement à la concentration de plus en plus de richesses dans les mains d’un nombre d’individus de plus en plus réduit, s’est complètement vérifiée dans les faits. « L’accumulation des richesses en un pôle a pour conséquence l’accumulation réciproque de la pauvreté au pôle opposé », écrivait-il dans le volume 1 du Capital. C’est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Partout, les inégalités sont de plus en plus criantes.

Les sommes en jeu sont immenses. Entre 1993 et 2011, aux Etats-Unis, les revenus moyens ont augmenté de 13,1 % au total, mais les revenus moyens des 99 % les plus pauvres (ce qui correspond à toutes les familles gagnant moins de 370 000 dollars par an) n’ont augmenté que de 5,8 %. Cet écart montre bien les fortunes gagnées par les 1 % restant. La part des revenus du travail dans le PIB, aux Etats-Unis, était de 62 % avant la récession. Elle avoisine à présent les 59 % du PIB. Le revenu moyen par ménage est donc plus bas qu’avant la récession, tandis que les inégalités se creusent.

Le paradoxe est flagrant : alors que le marché boursier des Etats-Unis a augmenté de plus de 50 % depuis la crise, le revenu moyen est en baisse. L’opulence engendre le pouvoir politique : les ploutocrates peuvent acheter des journaux, des chaînes de télévision, des fonds pour leurs campagnes politiques, les partis et les lobbies. Aux Etats-Unis, il faut être multi-millionnaire pour être président – et avoir le soutien de plusieurs milliardaires. La démocratie peut s’acheter et se vendre au plus offrant.

Le mythe de l’ascension sociale est réduit à ce qu’il est : un mensonge cynique. Les parents riches ont des enfants riches. La classe dirigeante est une élite qui s’auto-perpétue, entièrement coupée du reste de la population. L’accès aux études supérieures est de plus en plus cher. Les diplômés se retrouvent endettés (de 25 000 dollars par étudiant, en moyenne), sans aucune garantie de trouver un emploi correspondant à leur diplôme – quand ils en trouvent un. L’échelle des promotions a été balayée. Des centaines de milliers de diplômés d’universités servent des hamburgers chez McDonald’s ou remplissent les rayonnages de supermarchés.

Le rêve américain a tourné au cauchemar. 47 millions d’Américains sont obligés de recourir aux coupons alimentaires (système fédéral d’aide aux plus démunis) pour avoir de quoi manger jusqu’à la fin du mois. La colère croissante face à ces injustices s’est exprimée à travers le slogan du mouvement Occupy aux Etats-Unis : « nous sommes les 99 % ». Les dangers de cette situation sont évidents, pour les stratèges du capital les plus lucides.

Les masses sont prêtes à faire des sacrifices à condition que ce soit pour une cause juste et que ces sacrifices soient les mêmes pour tous. Mais personne n’est prêt à en faire pour sauver les banquiers, alors que ce sont toujours les mêmes qui payent les pots cassés. Les banquiers se encaissent de l’argent généreusement versé par le contribuable (ou plutôt par le gouvernement, puisque personne ne demande son avis au contribuable), s’attribuant au passage d’énormes bonus.

Les économistes bourgeois reconnaissent que la seule perspective qu’offre le capitalisme est vingt ans d’austérité. Cela signifie deux décennies de lutte des classes majeure, avec d’inévitables flux et reflux. Des phases d’avancées seront suivies de moment de fatigue, de déception, de désorientation, de défaites et même de réaction. Mais dans le contexte actuel, toute accalmie ne sera que le prélude à de nouvelles luttes explosives, plus puissantes encore. Tôt ou tard, dans un pays ou un autre, la question du pouvoir sera posée. Tout le problème tiendra, à l’instant décisif, dans la capacité du facteur subjectif à se montrer suffisamment fort pour fournir la direction nécessaire.

Source

« Il n’y a pas de moyen plus violent de coercition des employeurs et des gouvernements contre les salariés que le chômage. Aucune répression physique, aucune troupe qui matraque, qui lance des grenades lacrymogènes ou ce que vous voulez. Rien n’est aussi puissant comme moyen contre la volonté tout simplement d’affirmer une dignité, d’affirmer la possibilité d’être considéré comme un être humain. C’est ça la réalité des choses »…Henri Krazucki