LA VIEILLE RENGAINE DU PATRONAT

Comment l’histoire répète-t-elle les arguments contre la réduction du temps de travail ?

Juin 1936. La semaine tombe à quarante heures. Les maîtres de forges en Lorraine tonnent contre ce qu’ils baptisent «la loi de fainéantise sociale» : «Nos entreprises sont perdues. Comment relever le pays si nos ouvriers habitués à la tâche et fiers de l’accomplir travaillent deux fois moins ? La France va à sa ruine. Et tous, nous pâtiront de ce luxe de paresse !» La chanson contre la réduction du temps de travail est une vieille rengaine. Au fil des siècles, les archives déclinent les mêmes arguments.

Nous sommes en 1848. La journée de travail du textile lyonnais vient de passer de quatorze à douze heures. Pour la chambre patronale des soieries, c’est la catastrophe. Elle adresse au préfet une supplique pour dénoncer la dangerosité et l’amoralisme de la nouvelle loi : «Nous attirons votre attention sur les graves conséquences qu’auraient à subir nos industries au cas où la loi venait à être appliquée. Vous le savez, la main-d’œuvre ici est exigeante et hors de prix. Avec quatorze heures, nous tenions à peine. Douze heures précipiteraient les faillites. Le travail, dans nos entreprises, a toujours commencé à quatre heures du matin, repos d’un quart d’heure à midi, repos final à dix-huit heures Les filles employées s’y livrent sans que leur santé n’en ait jamais été altérée et sans qu’elles ne se plaignent de leur sort par ailleurs envieux quand on songe à tous les “sans-travail” qui écument les rues. Ici, la main-d’œuvre est plus coûteuse qu’à l’étranger. Si nous maintenions le même salaire pour la journée réduite à douze heures, la partie ne serait plus tenable. Nous serions dans l’obligation de fermer nos manufactures et de les transporter là où l’ouvrière est la moins dispendieuse. Et puis, que l’on ne se trompe pas, l’ouvrière ramenée à douze heures continuerait à se lever à l’aurore pour n’arriver à la manufacture qu’à la minute obligatoire, plus disposée à se reposer des occupations auxquelles elle aurait vaqué dehors qu’à attaquer avec ferveur le travail de nos fabriques. Redevenue plus tôt libre le soir, elle n’en profiterait pas dans l’intérêt de son sommeil. Il y aurait à craindre pour la moralité de celles qui, étant sans famille, se verraient affranchies de toute surveillance pendant deux longues heures de la soirée.» Le texte est éloquent.

On entendra la même remarque pour réprouver la loi qui interdit aux enfants le travail dans les mines : «Loi qui porte atteinte au droit du travail et à la liberté individuelle», 1919. La loi des huit heures suscite les mêmes réactions. Voici ce qu’écrit un entrepreneur de la métallurgie : «On en veut à ceux qui font la richesse du pays. Il est sûr que nos industries péricliteront, et puis que feront nos ouvriers de tout ce temps vacant ? Désœuvrement, fréquentation plus assidue des estaminets. Décidément, la morale n’est plus du côté du gouvernement. Faudra-t-il bientôt que nous transportions nos industries dans les colonies ?»

Un dernier exemple. 12 novembre 1938. Par une série de décrets, baptisés «décrets misère», le gouvernement Daladier supprime les acquis du Front populaire. Entre autres, la semaine de quarante heures. L’argument mérite citation : «Cette loi de paresse et de trahison nationale est la cause de tous les maux de notre économie. Elle va précipiter la chute de la France. On ne peut pas avoir une classe ouvrière avec une “semaine de deux dimanches” et un patronat qui s’étrangle pour faire vivre le pays !» Deux ans plus tard, reprenant les mêmes arguments, Pétain, à la une ces jours-ci pour son antisémitisme exacerbé, balayera les dernières lois sociales et les syndicats qui en étaient à l’origine.

D’après un article de Michel ETIEVENT

« L’utopie est ce qui n’a pas encore été essayé. »…Théodore Monod

4 réflexions sur “LA VIEILLE RENGAINE DU PATRONAT

  1. A seb tu réagis comme Yapadaxan et même plus violemment…tu crois vraiment que l’élection de quelques partis que se soit va pouvoir changer quelques choses alors que le texte montre bien que c’est par la lutte dans les rues voir par des affrontements violents que nos anciens ont grappillé ces avancés sociales!!!! Alors maintenant pose toi vraiment la question de savoir si une fois, ne serait ce qu’une fois le gouvernement élu à réaliser le bien commun ou a t il fait évoluer sa caste, son élite, des souris qui votent pour des chats pas étonnant que les chats fassent des lois pour les chats…il nous faut soit une bonne rébellion, soit une vrai démocratie et pas un gouvernement représentatif…représentatif de ces seuls intérêts!!!!

  2. C’est édifiant. Je connaissais la réaction du patronat à propos du travail des enfants, mais pas les autres. D’ailleurs, il me semble qu’ils râlaient déjà alors qu’il ne s’agissait « que » de réduire le temps de travail d’enfants selon leur tranche d’âge…

    Je suis sidérée de lire qu’au 19è siècle, les femmes ne sont que des êtres de débauche qu’il faut « surveiller » (et forcer à bosser le plus possible, donc) si l’on ne veut pas qu’elles se laissent aller à la gaudriole, êtres diaboliques qu’elles sont.

  3. C’est proprement ce qui s’appelle la lutte des classes. Les salariés, avec la classe ouvrière, luttent pour gagner des droits sociaux. Le patronat inlassablement tente (et parvient) de/à récupérer ce qu’il a dû concéder. Toute l’Histoire des sociétés humaines est l’Histoire de cette lutte des classes. C’est encore le cas aujourd’hui.

    C’est pourquoi il importe de ne pas céder aux sirènes réformistes qui s’appuient sur l’idée que nous avons atteint un niveau de démocratie permettant de conquérir des droits nouveaux par le jeu électoral et institutionnel. L’Etat est l’Etat de la grande bourgeoisie qui ne se laissera JAMAIS déposséder. Les conquêtes (toutes les conquêtes) s’obtiendront par la lutte de classe consciente et agissante. Et plus le niveau d’exigence des travailleurs sera élevé, plus le risque d’affrontement violent augmentera. Car en définitive se posera INELUCTABLEMENT la question du renversement du capitalisme et de son remplacement par le socialisme. Ce renversement sera social (ce sont les salariés qui imposeront une société conforme à leurs intérêts) et politique (il sera nécessaire de renverser l’Etat pour lui substituer l’Etat socialiste).

    Aussi est-ce d’un regard critique vis-à-vis du phénomène Front de Gauche : il ne pose pas du tout la question du soulèvement populaire dans la lutte pour renverser le système capitaliste et l’Etat bourgeois. Au contraire, il crée l’illusion que la « démocratie » permettra des conquêtes sociales. La bourgeoisie ne renonce jamais et elle ne renoncera pas. Le Front de Gauche ne suffit pas. Il faut aller plus loin. Ce qui fait hésiter les travailleurs, c’est la peur, précisément, de l’affrontement violent. Le peuple se laisse convaincre par ces illusions social-démocrates car il espère faire l’économie de l’affrontement de classe et de la révolution.

    Mais le recours à la violence révolutionnaire n’est pas un rêve romantique, c’est une nécessité historique.

    • Ben en voilà une réponse d’un bel endoctriné par un groupuscule trotsko… Non sérieusement, y’en a marre de ces cons qui sont seuls à avoir raison, il a bien lu Marx et il fait 1% (voir même pas), n’est pas capable de convaincre les citoyens, mais lui il a raison, seul contre tous il SAIT, alors bien sur dès qu’une force électorale du même camps mais qui n’a pas tout à fait les même idées, ben il faut qu’il crache dessus, car c’est de la névrose, on se complait dans sa marginalité qui n’arrivera jamais à rien.
      Bordel des gauchos endoctrinés qui se disputent entre eux car le voisin n’est « pas assez à gauche » ou « fait trop de concessions à la « bourgeoisie »… y’en a marre. Convergence des lutte maintenant!!!

      Ce névrosé est tellement dedans que au lieux de parler de sarko ou hollande la première des choses qu’il fait c’est de taper sur le FDG, on sait jamais, si pour une fois ca fait changer les choses…

      Moi des discours comme ce que je lis là dessus on failli me faire arréter tout engagement, car le patronat est toujours soudé pour ses intétêts, à gauche ça se dispute pour savoir qui est le plus pur.

      La seule chose est un front de convergence pour faire changer ca : partis, syndicats, association. Les post-marxto si certain d’avoir raison, écoutez s’il vous plais les autres pensées de gauche, il y a un foisonnement et plein de choses à grapiller chez ATTAC, utopia, les objecteurs de conscience, … arréter d’être certain d’avoir raison quand vous n’êtes que 1%, votre position tiens du religieux, vous vous mettez dans une position de prophète « oyez, j’ai LA vérité, écoutez moi, le FDG c’est caca, trop bobo trop bourgeois, restons dans notre bulle si pure… »

      Allez convergeons les luttes et on lache rien, vous imaginez, plus que 9% et le fgd est au 2e tour, peut être ca changera vriament… 😉

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