LA « SÉCU», un travail de sape au profit du privé !

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Cette année a lieu la commémoration des 70 ans de la sécu. La ministre de la Santé Marysol Touraine a rendu hommage à « ce trésor national », tout en prétendant « adapter la sécurité sociale aux défis du 21eme siècle ». Sans aucun doute la poursuite de sa politique d’adaptation et de soumission aux desiderata du patronat. Le vrai défi, celui auquel doit se confronter le mouvement ouvrier, c’est la défense de la Sécu, sa reconquête, son développement. En clair, la mobilisation contre ce gouvernement et tous les fossoyeurs de la Sécu. Les ordonnances de création de la Sécurité sociale ont été promulguées en octobre 1945. Chômeur ou PDG, chacun a pu se soigner et accéder à l’hôpital public. Les familles ont bénéficié des allocations familiales, et les travailleurs de leur retraites. Les fondateurs de la Sécu voulaient « libérer la classe ouvrière de la peur du lendemain ». L’objectif a été atteint et l’insécurité sociale a beaucoup reculé durant une trentaine d’années.

Le patronat n’a jamais accepté une institution qui ponctionne ses profits, jamais accepté que « chacun cotise selon ses moyens et perçoive selon ses besoins », un principe qui préfigure partiellement un mode de répartition des richesses non capitaliste. Dès les années 50, il a publié de multiples rapports attaquant la Sécu. De 1953 (première tentative de réforme des retraites) à aujourd’hui (loi Touraine), les gouvernements de droite et de gauche se sont fait les relais du CNPF, puis du Medef. Le droit à la santé a été rogné, les retraites réduites. De la grève générale des fonctionnaires en 1953 aux luttes des années 2000 pour les retraites, les contre-réformes se sont à chaque fois heurtées aux mobilisations des salariés scandant « la Sécu, elle est à nous, on s’est battu pour la gagner on se battra pour la garder », manifestant ainsi leur fort attachement à cette institution. Et si la Sécu existe toujours, c’est uniquement grâce à ces résistances.

Depuis 1947, la presse évoque le « trou abyssal » de la Sécu et des dépenses excessives de santé. En réalité, la Sécu souffre d’un manque de recettes en raison de la faible croissance des salaires, du chômage, et des politiques gouvernementales (exonérations, baisse de cotisations dites patronales…). Sous prétexte du pseudo-déficit, on ne compte plus depuis la seconde moitié des années 70 le nombre de plans qui ont réduit les taux de remboursements et augmenté la part dite salariale des cotisations sociales (qui ampute le salaire net, à la différence de l’augmentation de la part patronale).

La sécurité sociale rembourse les ¾ de la consommation des soins et biens médicaux (CSBM), c’est-à-dire l’ensemble des soins (hospitaliers et ambulatoires), mais les soins courants (pratiqués par des généralistes ou spécialistes : pharmacie, infirmiers libérales, kinés…) ne sont plus remboursés qu’à 55 % en moyenne. Le ministère reconnaît que la sécurité sociale « concentre son intervention en faveur du gros risque ». Cela montre clairement son objectif à court ou moyen terme : se débarrasser des « petits risques », les plus rentables pour les assurances… Et en effet, les déremboursements des médicaments ou leur remboursement dérisoire (ceux à 15 % vont être déremboursés), le forfait sur les séjours hospitaliers, les forfaits sur les actes médicaux, les franchises médicales, le remboursement très faible de l’optique et de certains frais dentaires, la pénalisation des assurés qui ne respectent pas le parcours de soins, les dépassement d’honoraires, ont deux conséquences : le non recours à des soins pour 30 % de la population (un coût pour la sécu, car le recours tardif à l’hôpital avec des pathologies aggravées peut coûter cher) et l’obligation d’avoir recours à des complémentaires santé pour ceux qui le peuvent, ce qui réduit le périmètre de la sécu.

Le patronat a constamment mené la bataille pour la baisse et la suppression des cotisations sociales. La baisse du salaire direct est immédiatement visible avec la baisse du pouvoir d’achat. Par contre, la réduction du salaire socialisé, accompagné de la perpétuelle campagne sur la lourdeur des « charges sociales » n’apparaît pas directement comme une attaque frontale pour la population, les conséquences sur le pouvoir d’achat – augmentation d’impôts, des tarifs des complémentaires – étant ­différées dans le temps. Les exonérations de la part patronale des cotisations sociales depuis le début des années 90, ont considérablement augmenté en 20 ans, pour atteindre 30,8 milliards en 2008. Elles ont diminué (25,7 milliards en 2013) avec la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires, mais vont ensuite connaître une nouvelle progression avec les mesures du pacte de responsabilité en vigueur depuis le 1er janvier 2015 : baisse du taux de cotisation des allocations familiales (elles sont uniquement « patronales ») de 1,8 point jusqu’à 1,6 SMIC et suppression pour tous les salaires au SMIC de l’ensemble des cotisations « patronales » pour la sécu, la caisse d’autonomie et le fond d’aide au logement. Ces dispositions s’ajoutent au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi-CICE : 20 milliards).

Depuis le plan Juppé (1995), les recettes et les dépenses ne sont plus déterminés par les besoins mais elles sont fixées à l’avance par une loi annuelle de financement de la sécurité sociale (LFSS), votée chaque année au Parlement. Un dispositif d’alerte doit s’enclencher afin que des mesures d’économie soient prises si l’équilibre financier n’est pas atteint. La logique financière prime au détriment des besoins. Toute une série de mesures depuis une vingtaine d’années favorisent une privatisation rampante de la branche maladie de la Sécu. Michel Rocard a engagé la fiscalisation en créant la CSG en 1990. Cet impôt qui a remplacé la cotisation a constamment augmenté sous les gouvernements de gauche et de droite.

L’accord national interprofessionnel (ANI) rend obligatoire à compter du 1er janvier 2016 l’adhésion à une assurance complémentaire santé pour tous les salariés et leurs ayants-droits. Le gouvernement a fait ce choix plutôt que d’étendre le remboursement de la Sécu à 100 %. Les cotisations et couvertures seront variables d’une entreprise à l’autre, et pourront être limitées à un panier de soins. Les cotisations seront prises en charge à 50 % par les employeurs qui bénéficient d’une exonération de ces cotisations sociales en plus de la déduction de l’impôt sur les sociétés, alors que la déduction pour les salariés a été supprimée. Hollande a annoncé en juin que ce dispositif serait étendu aux retraités d’ici 2017. Que l’on ne s’y trompe pas, toutes ces mesures sont au cœur de l’affrontement capital travail.

Après les assurances, les mutuelles ont la possibilité depuis 2013 de créer des réseaux de soins. Leurs adhérents sont mieux remboursés lorsqu’ils consultent un professionnel rattaché au réseau à partir du moment où la Sécurité sociale prend en charge moins de 50 % du remboursement. C’est donc réservé aux opticiens, dentistes et audioprothésistes… pour le moment. Mais les remboursements des soins courants n’ont cessé de baisser pour atteindre 55 %…

Les assurances se concentrent et proposent des offres alléchantes, parfois moins chères que les mutuelles. Les mutuelles s’adaptent en renonçant à leurs principes pour proposer « une gamme d’offre de contrats ». Des mutuelles se démutualisent ou fusionnent avec des assurances. Des groupes de protection sociale comme Malakoff-Méderic rassemblent dans une même entité des institutions de retraites complémentaires, de prévoyance, des mutuelles, des sociétés d’assurance. Les mutuelles, au nombre de 5 780 en 1995, sont aujourd’hui moins de 500. Elles ne seront plus qu’une centaine en 2018 … pour ensuite arriver à un monopole de quelques grands groupes privés !

Source

« Si tu ne participes pas à la lutte, tu participes à la défaite »… B. Brecht

 

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