Depuis quelques temps, les journalistes découvrent avec étonnement que ce qu’ils écrivent n’est plus lu sérieusement. C’est ainsi que la presse mainstream s’intéresse aux « théories du complot » qui fleurissent sur le Net depuis quelques années.
Les médias paraissent surpris que des versions hallucinantes des faits qui se sont déroulés puissent avoir un succès ailleurs qu’à travers leurs canaux. Les grands médias ont pourtant bien souvent, eux aussi, des soucis de retranscription du réel. Certains détails manquent, l’exposé est manichéen, et bien souvent les personnes qui regardent les infos ou lisent le journal ont l’impression qu’on les prend pour des imbéciles.
Le fameux : « on ne nous dit pas tout / on nous cache tout » a des raisons d’exister : du nuage de Tchernobyl à la mort de Rémi Fraisse, il existe une multitude d’exemples où la presse dans sa grande majorité n’est ni neutre, ni exacte.
Comme les grands médias retranscrivent le réel de manière partielle et partiale, beaucoup d’entre nous sont tentés d’aller chercher des infos ailleurs. Ce n’est pas nouveau, il y a toujours eu des personnes qui ont enquêté par elles-mêmes ainsi que des journalistes qui ont fait un réel travail d’investigation avançant des preuves matérielles pour étayer ses affirmations.
Globalement, jusqu’à l’avènement d’internet, il y avait deux possibilités pour remettre en cause un événement dont certains faits avaient été occultés : le temps qui finissait par faire émerger certains aspects de l’affaire (voire la vérité) ou le traitement de l’affaire (méthode d’investigation) qui était remis en cause. Aujourd’hui c’est plus simple : quand la version officielle ne convient pas, il en existe d’autres, plus satisfaisantes et disponibles rapidement sur le net.
Des personnes comme Alain Soral et son ancien ami et désormais concurrent Salim Laïbi l’ont parfaitement compris et en ont fait une source de revenus.Tandis que la presse relate le plus souvent ce que les dominants ont envie d’entendre, Soral & co racontent des fables de super vilains qui contrôlent le monde à destination de ceux qui ont besoin ou envie d’y croire.
En face, les rédactions fonctionnent au rabais (profit oblige) : il n’y a quasiment plus d’enquête de terrain et à la place on reprend des dépêches en regardant ce qui fonctionne chez le concurrent. Peu importent la justesse et le sérieux dans la retranscription exacte des faits : il faut aller vite, lancer un scoop avant le concurrent et parfois au mépris du bon sens. Du coup, la version officielle est souvent bancale d’autant plus qu’elle est assaisonnée d’analyses orientées produites par ces fameux experts (politiques, militaires, économiques..) qui sont tous liés à des partis pris politiques ou à des groupes économiques précis mais qui sont présentés dans les médias comme objectifs alors que leurs avis sont bien souvent plus le fruit de leur idéologie ou de ceux qui les payent que des faits. Il n’est pas rare, par exemple, de voir un sioniste censément « expert » nous expliquer le conflit israélo-palestinien, ou encore un salarié d’un groupe capitaliste promu expert en économie nous expliquer que le chômage et la misère, c’est la faute au coût du travail. Ce mixte entre travail bâclé des rédaction et analyses partisanes de ceux qui fabriquent l’information créé les conditions propices au succès de tous les délires auprès de ceux qui ont le sentiment d’être menés en bateau.
Avec l’attentat contre Charlie Hebdo et le supermarché casher, on assiste à une sorte de 11 septembre (dans des proportions françaises). La version officielle et la retranscription à l’arrache des événements a permis à des gens de profiter de la confusion et de mettre en place des récits critiques de la version officielle. Le drame et la stigmatisation des habitants des quartiers poussent bon nombre des nôtres à trouver dans ces multiples versions des faits des récits qui dédouanent et déresponsabilisent de tout lien avec les attaques. Comme si les frères Kouachi n’étaient pas des nôtres. Ils sont, comme nous, des produits des ghettos et du mépris républicains.
C’est ainsi qu’en moins de temps qu’il ne faut pour établir une critique de la version médiatique, une nouvelle lecture est servie clé en main. La conclusion est toujours la même : C’est le système qui est derrière cette opération, sur ordre de commanditaires occultes (au hasard : les juifs). Les gens qui servent cette bouillie, sorte de Mc Do de la pensée, n’ont pas enquêté sérieusement. Ils pointent simplement les incohérences qui résultent de l’immédiateté de l’info et les plaquent sur leur crédo : c’est de la faute des juifs/francs-maçons/illuminatis/satanistes, au choix ou tous à la fois.
Ces versions agissent pour certains comme un baume pour le moral mais, concrètement, elles ne servent à rien et sont des impasses politiques. On ne peut pas critiquer les médias lorsqu’ils décrivent de manière erronée la mort des nôtres, comme Zyed Benna, Bouna Traore et tant d’autres, tout en agissant comme eux lorsque d’autres sont fauchés. On ne combat pas le mensonge par le mensonge.
Contrairement à ce que nombre de versions dissidentes veulent faire croire, ce n’est pas parce qu’il existe des zones d’ombres dans le récit officiel que tout est faux et manipulé. Les récits fantasmés reposent toujours sur les mêmes piliers et la même mécanique et produisent toujours les mêmes effets. La fabrication de ces œuvres de fiction c’est toujours sympa et rigolo à démonter mais faut faire ça en bas du bâtiment pour tuer le temps. Là, on va juste poser les base de ces récits.
À quoi reconnaît-on un récit dissident ?
1 – Tout était programmé
Dans l’affaire Charlie, dire que tout a été programmé c’est faire un beau cadeau à la DGSI. Au lieu de demander des comptes à propos du pourquoi et du comment des dysfonctionnements de ce service de sécurité et de se rendre compte que les systèmes de sécurité de la république sont faillibles – ce qui devrait réjouir tout révolutionnaire – on renforce paradoxalement leur autorité et leur emprise sur nous : « les services secrets ont tout contrôlé de A à Z. » Ils sont donc trop forts. Cette vision suscite la paranoïa chez ceux qui pourraient un jour se lever contre les oppressions. À quoi bon lutter puisque les services secrets contrôlent tout et tout le monde, y compris le camarade à coté de moi.
2- Les témoins ou les victimes sont des comédiens
L’autre ressort du complot c’est le déni de la parole des témoins ou leur instrumentalisation. Les témoins d’une scène particulièrement choquante ne donneront jamais une version exacte des faits, mais ils ne peuvent pas être tous considérés comme des menteurs, des comédiens payés pour raconter des histoires. À chaque drame les complotistes nous expliquent invariablement que tel témoin est un acteur/menteur payé et que telle victime n’est en fait pas morte : c’est à se demander comment il peut encore y avoir des intermittents en galère, avec tous ces rôles que le « système » a à distribuer. Au fait quelqu’un a vérifié si y a avait bien un corps dans le cercueil du policier Ahmed Mérabet? Mérabet …comme Mérah ? Y a une piste à fouiller, là, pour un nouvel épisode : comment savoir s’il ne s’agit pas du même intermittent à qui on aurait offert les deux rôles ?
3 – À qui profite le crime ?
L’argument massue pour cette mouvance est de sortir la phrase de Marx « À qui profite le crime ? » et d’expliquer que malgré les morts, les erreurs, les bévues, la panique, la peur, le ridicule parfois (« Charlie c’est ici ? » « Ha, non, c’est l’immeuble d’a coté ») tout était planifié depuis longtemps dans un tiroir du Mossad/CIA/DGSI. La réalité c’est évidemment que lorsqu’une catastrophe se produit, les dominants en profitent pour en tirer plus de bénéfices. Ils sont souvent sans aucune retenue ni honte pour dénoncer les conséquences de leurs actes. En l’occurrence, on a pu le voir dans le cas de l’attaque contre Charlie hebdo. Les chefs d’états, les médias, les forces de l’ordre, l’extrême droite : tout ce petit monde a su exploiter la séquence. Conclusion : les coupables sont à chercher parmi ceux-là. C’est mignon et simple et puis comme en plus il y avait des dirigeants sionistes à Paris, le coupable était tout trouvé. Mais si un vautour se délecte d’une carcasse, cela ne fait pas de lui un assassin pour autant.
Il y a toujours matière à édifier de belles histoires à partir de ces trois piliers. Reste ensuite à faire rentrer les différents éléments dans les cases préétablies, même s’il faut tordre le réel pour y arriver. Pour en revenir à l ‘attentat Charlie : il faudrait nous expliquer comment le gouvernement socialiste qui pleure pour un 0.1 point de croissance organiserait un massacre le premier jour des soldes en pavant un boulevard à la droite et au FN ? Y a pas de doute, Hollande et Valls sont des stratèges hors pair.
La suite on la connaît, un mensonge en remplace un autre et tout le monde se berce d’illusions devant un écran. Aujourd’hui, les plus jeunes d’entre nous sont persuadés d’être experts en analyse scientifique pour avoir lu un article non sourcé sur le Net, comme il sont convaincus d’avoir connaissance de dossiers secrets grâce à une vidéo sur youtube. Aucun n’y voit de paradoxe : tout cela est top secret mais se trouve néanmoins en libre service sur le net qui, comme chacun sait, est tenu par les Américano-sionistes.
Ainsi les explications les plus loufoques permettent de dédouaner tout le monde de ce qu’il fait mais surtout de ce qu’il ne fait pas pour changer les choses. Ces récits fonctionnent parce qu’ils sont doublement rassurants. D’une part parce « tout le monde il est beau » sauf les illuminati/juifs/franc macons/satansites (il n’y a donc qu’à les tuer) et d’autre part parce qu’ils déresponsabilisent.
Nos experts en analyses sont cyniques avant l’âge, ils croient avoir tout vu et tout compris derrière leur écran et ne font rien car tout est contrôlé. Ils sont aussi détachés du monde que les ennemis qu’ils accusent d’avoir planifié les attentats. La réalité est brutale, la vérité est désagréable et brûle. Beaucoup de personnes préfèrent ne pas la regarder ou trouver des compromis, et c’est là le rôle des médias officiels ou alternatifs.
Les médias désignent des boucs émissaires à la crise : quand les médias dominants nous proposent les Musulmans, les réseaux de Soral et sa clique nous proposent les juifs/illuminatis/franc-maçons en recyclant une camelote raciste du XIXème siècle. Dans les deux cas, ont fait du spectacle pour sidérer par des images ou des théories chocs qui permettent de subjuguer les gens, ce qui revient à les soumettre.
La meilleure façon de ne pas rester sous influence, c’est de se mobiliser concrètement. Très vite les illusions sur un monde qui n’a pas d’alternative s’écroulent. Le pouvoir n’est ni invincible ni immortel, pas plus qu’il n’est aux mains des juifs /illuminatis /francs-maçons. Dans les luttes, on se confronte plutôt à des flics, des vigiles ou des militaires qui, bien qu’ils soient souvent issus de nos rangs, obéissent à des grands bourgeois blancs et racistes. On ne croise jamais des illuminatis ailleurs que sur les vidéos de Youtube. Et, summum de l’incompréhension : dans les luttes pour la justice et la dignité il arrive même de lutter aux côtés de juifs et de franc maçons.
Le réel, c’est compliqué. Tout est en effet beaucoup plus simple sur Youtube et Facebook. Le monde tourne parce que nous contribuons à le faire tourner. Si les théories du complot se contentent de désigner un coupable omnipotent mais ne donnent pas d’axe de lutte pour changer les choses, c’est qu’elles sont destinées à jouer le rôle d’anesthésiants, de narcotiques.
Lire : OVERTON, MANIPULER L’OPINION POUR FAIRE ACCEPTER L’INACCEPTABLE !
“Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.”… Martin Luther-King
Pas tendre pour le complotisme non plus, Orlov y voit un jeu perdant : http://lesakerfrancophone.net/petrole-et-circonstancesle-coup-du-lapinou-la-balle-dans-le-pied/
en réponse à 2ccr 7:18
Merci de m’avoir lu, et d’avoir pris le temps de répondre. Accordons-nous donc sur la pluralité des complots, dont heureusement beaucoup n’aboutissent pas.
En cette période troublée aussi, trop d’info tue l’info, n’est-ce pas ? Alors il faudra trier, et aussi nous garder des solutions et explications simplistes.
Je viens de voir le beau mais effrayant film “Timbuktu” du mauritanien Sissako, avec la charia à la Ansar Dine : solution simple… pour répandre l’enfer sur la Terre.
Vous avez raison bien-sûr. Il faut dénoncer les gens qui utilisent l’attrait que nous ressentons tous pour le mystère pour endormir les esprits et faire passer des thèses nauséabondes. Il faut aussi tenter de rappeler à la raison ceux qui par naïveté et par paresse se dispensent de toute analyse politique et se contentent d’explication « clé en main ». Seulement, il ne faudrait pas en conclure que les complots n’existent pas, qu’on n’a jamais vu d’acte de guerre sous fausses bannière, ou d’entreprises de déstabilisation d’un pays. Il serait stupide de croire que des organismes comme la CIA, le MI6 ou d’autres, qui disposent d’effectifs et de fonds considérables, n’ont jamais rien fait, ne font rien et ne feront jamais rien !
Je lis régulièrement les productions du réseau Voltaire. Il est présenté comme le type même de l’entreprise complotiste. C’est vrai qu’on y lit parfois des choses un peu légères. Mais, pour l’essentiel, j’y trouve des articles contestables mais qui comportent de vraies analyses documentées et argumentées. Cela détonne avec la presse dominante qui semble incapable d’avoir une vue d’ensemble de ce qui peut éclairer un évènement : analyse sur la longue durée, origine, nature et liens des acteurs, logique à l’œuvre etc.
bonjour,
Les complots ont toujours existé, ils existeront toujours, vouloir nier cela c’est nier l’histoire, mais LE grand Complot, non, les complots, oui, et effectivement ils ne se cachent même plus, ou à peine. Il a toujours existé des lobbies et des organisations, qui cherchent à peser sur les prises de décisions politiques et économiques. Les groupes de pression existent et sont connus, ils se sont autoproclamés, sans concertation, ils ne sont pas élus : G8, G20, OMC, FMI, OTAN, ONU, Commission Européenne, …. et les médias participent à leur propagande en utilisant cette novlangue qui est l’arme de la communication politique depuis longtemps, novlangue qui s’est considérablement renforcée depuis 20 ans grâce notamment aux nouvelles technologies et à l’abrutissement généralisé des masses.
Balzac disait : « Tout pouvoir est une conspiration permanente », mais si avec le mystère et le complot on peut faire de la bonne télévision et un cinéma distrayant, on ne peut faire que de la mauvaise politique. Et c’est tout le problème que pose le « conspirationnisme », cette sorte d’aliénation de la pensée qui imagine qu’à l’origine de tout événement historique, il y a la conspiration d’un groupe occulte suffisamment puissant pour tirer d’innombrables ficelles, tout en restant bien entendu hors de la vue du commun des mortels.
merci de votre commentaire et bonne journée
en reponse a chb17 :
je repete : Les complots ont toujours existé, ils existeront toujours, vouloir nier cela c’est nier l’histoire, mais LE grand Complot, non, les complots, oui, et effectivement ils ne se cachent même plus, ou à peine… alors pas la peine de passer en revue toute les infos et fait historique pour dénoncer un complot.
La vocation première d’un conspirationniste est de manipuler l’information à son avantage … ne l’oubliez pas !