SUR LES RELIGIONS

Chaque jour, des milliards d’être humains sont confrontés dans leur chair et dans leur sang à la brutalité d’un système économique et social en crise profonde. Appauvrissement de pays entiers, chômage de masse, guerres, famines, catastrophes écologiques : il serait trop long de dresser la liste des maux du capitalisme. Dans ce contexte, les religions peuvent apparaître comme des critiques du monde et des refuges, notamment parce qu’elles recréent le sentiment d’appartenance à un collectif dans un univers marqué par la dissolution du lien social. L’important c’est de faire la différence entre le légitime débat philosophique sur le matérialisme, la croyance en Dieu, etc. et le rôle temporel et spirituel joué par la religion : si religion signifie tendre l’autre joue face à ceux qui nous licencient et nous exploitent, je ne pense pas qu’elle soit utile. S’il s’agit de lutter contre les inégalités sociales, nous pouvons par contre nous retrouver dans des combats communs, comme par exemple avec Emmaüs ou le CCFD. En effet, on ne bâtira pas une société débarrassée de la misère et de l’exploitation à partir d’une vision idéale qu’il nous faudrait « ramener sur terre » mais par un combat collectif qui se fera à partir de l’expérience de chacun, quelle que soit sa religion, ses convictions politiques ou sa couleur de peau.

La croyance religieuse relève de la sphère privée. Aucune religion ne doit tenter d’imposer des normes ou des interdits à une société. Pour toutes celles et ceux, qui, comme moi, se réclament des combats féministes, anticléricaux ou pour le respect de la laïcité, il est généralement compris que nous sommes « contre la religion ». En fait, nous sommes contre les toutes les religions en tant qu’instruments de domination sociale. En même temps, on s’oppose à ce que l’Etat stigmatise une religion en particulier, par exemple l’Islam en France, afin de servir des fins électorales racistes et démagogiques. Je suis pour la défense de tous les opprimés, y compris ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions philosophiques et religieuses que moi. C’est le sens de ma campagne : être une voix pour ceux qu’on exploite, qu’on minorise, qu’on discrimine.

Mon parcours politique est marqué par la philosophie matérialiste, par une certaine compréhension de l’histoire des sociétés humaines mais aussi par une conception scientifique de l’histoire de l’univers (Copernic, Galilée, Einstein), de l’évolution des espèces (Darwin). Pour changer les choses, je suis convaincu qu’il vaut mieux essayer d’agir par nous-mêmes avec les gens qui nous entourent. Il n’y a ni Dieux, ni sauveurs suprêmes. Pour moi, « sagesse » rime avec liberté de conscience, avec libre pensée, avec la réflexion. Concernant des figures de sagesse, je pense en premier aux philosophes des lumières comme Diderot, D’Holbach, Voltaire.

Je peux apprécier ou admirer parfois des lieux « sacrés » mais pas en tant que lieu « sacrés ». Une cathédrale, une église, un temple antique peuvent être admirables par leur architecture, par exemple. Cela fait parti de l’histoire de l’humanité et ces lieux ont souvent un intérêt de ce point de vue là. Il n’y a pas que la religion ou la croyance qui peut donner un sens à la vie. Heureusement. Il y a tout simplement l’humanité, la collectivité, la solidarité, la fraternité. Il y a la lutte pour la défense des conditions de vie des opprimés, du camp auquel j’appartiens. Il y a la révolte contre un système d’exploitation profondément injuste, le système capitaliste.

D’après une interview de Philippe Poutou pour « La Vie »

« Un ouvrier, c’est là pour fermer sa gueule! », par Philippe POUTOU, éditions Textuel, collection « Petite Encyclopédie Critique », 48 p., 5 euros.A commander ici

2 réflexions sur “SUR LES RELIGIONS

  1. Toutefois l’humanité connut les temps mythiques qui furent les temps des dieux et des héros. En ces temps-là, l’aube de l’humanité, la société s’organisait à peine. Les mythologues, les archéologues, les philologues, les ethnologues n’en finissent pas d’exhumer les vestiges de ce qui fut les premières civilisations, les premières interprétations du monde et de l’univers.

    Nous avons hérité ces textes mythologiques magnifiques, qui témoignent des interrogations de nos ancêtres et de leurs aptitudes poétiques et philosophiques qui y répondent.

    Ces systèmes de pensée, c’était les religions. On sait tous que les religions monothéistes vinrent remplacer les religions monothéistes, conservant néanmoins un sens du merveilleux.

    Ce ne sont pas elles qui sont responsables des crimes que l’on commit en leur nom. Les différentes religions se succédant, ce sont les sociétés humaines qui évoluaient et progressaient. Et progressaient si bien qu’elles finirent par postuler philosophiquement l’inexistence de tout dieu.

    Sont-ce les religions qui sont responsables des persécutions juives? De l’Inquisition? Des guerres de religions et/ou des schismes? Les crimes, les massacres, les génocides furent-ils imputables à une seule d’entre elles? Le colonialisme? Le racisme? Le nazisme? Le terrorisme?

    Ou bien faut-il comprendre qu’elles sont les otages des sociétés de classe dans lesquelles s’affrontent des forces conservatrices et des forces émancipatrices? Les USA sont-ils devenus impérialistes à cause de l’Eglise réformée? Le sionisme à cause du judaisme? Le racisme à cause du christianisme? Le terrorisme à cause de l’Islam?

    Toutes ces religions délivrent au contraire un message de paix et parviennent à un humanisme raisonné.

    La question mérite d’être posée et creusée. Car si, en effet, toute religion se donne pour mission de maintenir par conservatisme évident un état social et un état des connaissances, elle se voit contestée de l’intérieur par des croyants lucides et progressistes.

    La religion n’est pas en soi un instrument de domination mais le lieu de conflits idéologiques et sociaux.

    Il ne faut donc pas se tromper : l’athéisme militant ne doit en aucune façon devenir intolérant, arbitraire et dictatorial. Il doit, au contraire, considérer les religions comme un lieu de la pensée humaine prise et comprise comme étant mue par des contradictions dialectiques qui postulent en même temps l’idée de dieu et, du coup, celle de son inexistence.

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